Le point sur l'action de groupe avant le projet de loi annoncé pour le premier semestre 2013
Auteur : ENGLISH Benjamin
Publié le :
19/12/2012
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2012
Souvent qualifiée de serpent de mer de la procédure civile française, l'action de groupe (class action), revient sur le devant de la scène avec la présentation annoncée d'un projet de loi visant à introduire cette notion en droit français.
L'action de groupe : un changement de paradigme pour le droit de la consommationL'action de groupe est une procédure judiciaire introduite à l'initiative d'un ensemble de demandeurs, revendiquant l'indemnisation globale d'un préjudice subi par chacun d'entre eux. L'objectif est de permettre à un groupe d'individus d'unir leurs forces pour concentrer l'ensemble des réclamations portées contre un défendeur (souvent identifié comme une grande entreprise ou un organisme puissant), sans devoir multiplier les procédures parallèles. L'avantage proclamé est de permettre une meilleure accessibilité du droit en réduisant les coûts d'accès à la justice. Une application de l'adage selon lequel l'union fait la force.
Il s'agit d'un mécanisme bien connu du droit américain (d'où le terme de "class action"). Dans l'actualité récente, on se souviendra par exemple du procès intenté par un certain nombre de consommateurs à l'encontre de la célèbre marque à la pomme sur le fonctionnement de son système d’assistance intelligente Siri (Article en anglais CBS News "Apple defends Siri against class action lawsuit").
Le champ d'application de ce type de procédure peut être très large. On pense évidemment au droit de la consommation et au droit de la concurrence, mais l'action de groupe pourra évidemment être envisagée dans la réparation des dommages environnementaux, du droit boursier ou du droit de la santé.
Pour autant, ce système, qui a parfaitement su s'insérer dans le droit américain issu de la Common Law, peut-il facilement trouver sa place dans le système judiciaire français ? La réponse n'est pas évidente, et l'enterrement des précédents projets annoncés par les gouvernements successifs en témoigne.
Une telle réforme implique une révision du droit processuel tel qu'il est envisagé, dans ses détails comme dans ses grands principes et qui diffère de celui du pays de l'Oncle Sam à plusieurs égards. Par exemple, à ce jour, le droit français ne connaît pas la notion de «dommages punitifs» qui permettrait à une juridiction de retenir une indemnisation beaucoup plus importante que la stricte réparation du préjudice subi par le ou les demandeur(s), à titre d'effet dissuasif pour le responsable. La Cour de Cassation l'a encore très récemment rappelé en matière de droit de la concurrence.
D'autres questions devront être scrupuleusement étudiées: L'un des obstacles majeurs, en droit américain, à la recevabilité d'une action collective est la nécessité de démontrer que les différents demandeurs ont tous subis un préjudice strictement identique. Or, la jurisprudence américaine fait de ce principe une application stricte. Cette problématique doit donc être évoquée par le projet à venir.
De la même manière, il existe deux grands systèmes d'action de groupe. Le système de "opt in", dans lequel chacune des personnes qui entend se rattacher à l'action doit faire la démarche de s'y associer, et le système de "opt out" dans lequel toutes les personnes se trouvant potentiellement dans la situation d'y être associée peut en revendiquer le bénéfice, sauf a expressément indiquer qu'elle ne souhaite pas y participer. A priori, dans le projet annoncé, serait envisagé un système de "opt in", beaucoup plus acceptable au regard des principes fondamentaux du droit français.
Enfin, l'autre question majeure est de savoir qui pourra diriger l'action de classe. En effet, pour d'évidentes raisons de fonctionnement de la justice, il faut une personne chargée d’introduire et de coordonner l'action, que l'on appelle le chef de file. Beaucoup d'associations, notamment des associations de consommateurs, revendiquent la possibilité de jouer ce rôle, à condition de pouvoir être suffisamment représentatives. La profession d'avocat revendique aussi de manière légitime la possibilité pour ses membres de jouer ce rôle, puisque la représentation et l'assistance en justice sont de l'essence même de son activité.
Du point de vue de ces futurs chefs de file, plusieurs questions se poseront en termes de déontologie. Ainsi, dans l'hypothèse où une association serait à l'initiative d'une action de classe, a pu se poser la question de la possibilité pour cette association d'exiger des adhérents à l'action le paiement préalable d'une cotisation. De la même manière, pour l'avocat, se pose la question du pacte de quota litis (honoraire de résultat en cas de succès) qui reste le mode de rémunération principal dans ce type de procédure. À ce jour, il est interdit à l'avocat français de se faire rémunérer uniquement de cette manière.
Enfin, il sera semble-t-il nécessaire d'imaginer quelques règles déontologiques spécifiques qui ont déjà été adoptées depuis fort longtemps outre-Atlantique, comme le strict encadrement de la publicité liée à l'exercice de cette action. On peut encore penser à l'interdiction de tenter de convaincre de potentiels demandeurs de se joindre à la procédure en leur proposant une avance sur les gains escomptés.
Le projet devrait être présenté au printemps 2013. Gageons qu'il fera l'objet de longues discussions.
Cet article n'engage que son auteur.
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