Petit guide juridique du travailleur freelance
Auteur : ENGLISH Benjamin
Publié le :
31/12/2018
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2018
Vous lancer en indépendant fait partie de vos bonnes résolutions pour 2019 ? Faisons un point sur ce qu’il faut savoir. Besoin de flexibilité, de vivre plusieurs vies, avènement de l’entreprenariat, équilibre vie privée / vie professionnelle : le travail en freelance, ou plutôt « à son compte » en bon français, séduit un nombre croissant d’actifs. Certains observateurs prédisent même la fin du salariat classique, et il s’agit d’une tendance de fond.
Pour autant, travailler en indépendant ne veut pas dire qu’il faut se dispenser de tout cadre juridique. Au contraire, le succès de l’activité du freelancer reposera sur la sécurité qu’il saura mettre en place, pour lui et pour ses clients.
1. Evitez la requalification
Le freelance n’a pas vocation à travailler pour un seul client, surtout si c’est son ancien employeur ! C’est bête à dire, mais tellement courant. La requalification en contrat de travail de la relation avec un client unique ou quasi-unique est l’un des risques majeurs qui pèse sur le statut d’indépendant. L’actualité en droit social nous rappelle que cette requalification, avec les conséquences qu’elle implique pour l’employeur (arriérés de salaires, indemnités de rupture, congés payés, cotisations…) est objectivement un risque pour votre client (Cass soc 28 novembre 2018). Autrement dit, il pourrait être réticent à faire affaire.
La solution à ce risque réside, notamment dans les points qui vont suivre : Avoir une structure juridique, des contrats bien ficelés, un panel de clients diversifié… Bref, pour être un bon indépendant, ne soyez pas dépendant d’un client.
2. Choisissez une forme d’exercice adéquate
Travailler en freelance ne suppose pas forcément de travailler en nom propre et de faire peser sur votre patrimoine personnel tous les risques. Il existe aujourd’hui un certain nombre de dispositions permettant de protéger votre patrimoine, à commencer par l’insaisissabilité d’office de l’habitation principale du débiteur.
Le régime de l’auto-entreprise et de la micro-entreprise, s’il présente des avantages, pourra devenir inadéquat si l’activité croît rapidement. Et le fait de travailler seul n’exclue par d’emblée de bénéfice des avantages d’une structure juridique.
Un article entier pourrait être consacré aux différents statuts et options. L’essentiel est de se poser la question, et surtout de la poser à un professionnel. Beaucoup de choses dépendent de votre situation personnelle.
3. Travaillez vos documents contractuels
Beaucoup de travailleurs freelance travaillent à la confiance. Mais en cas de difficulté ou d’impayé, rien de vaut un bon contrat, dans lequel on a défini avec son client les obligations de chacun, et leurs limites. Avoir des conditions générales de vente à jour, un modèle de contrat qui traduit votre offre commerciale en droit, un calendrier, des devis régularisés et une facturation qui respecte la réglementation comptable vous apportera la confiance de vos client, et vous évitera des litiges.
4. Utilisez des outils sécurisés
Par définition le freelancer, est un élément externe à l’entreprise. Il n’a donc pas vocation à utiliser les outils internes mis à disposition des salariés (sinon, retour à la case « 1 »). Et à l’heure du RGPD, la sécurité de leurs données sera une préoccupation principale de vos clients. Et pour déterminer le niveau de sécurité requis, là encore, posez-vous les bonnes questions :
Etes vous un sous-traitant qui recueille des données personnelles ? Les informations données par vos clients sont-elles sensibles ? Quel est leur degré de confidentialité dans le monde des affaires ?
5. Veillez à la propriété intellectuelle
Les créations du salarié pendant l’exécution du contrat de travail appartiennent à l’entreprise. Mais quid du freelancer ? Si une partie de la prestation qui vous est confiée consiste à développer un outil, ou réaliser une création, il est nécessaire de déterminer ce qu’il adviendra des droits sur le livrable. Et on ne parle même pas encore ici de brevet.
A l’inverse, si votre client vous confie des données, il va légitimement vouloir disposer de toutes les garanties pour pouvoir récupérer ses données, et les exploiter.
Ces problématiques sont souvent négligées. Lever les incertitudes à ce sujet constitue tout autant une garantie de sécurité juridique qu’un gage de confiance.
6. Evitez les conflits d’intérêts
On l’a dit, le freelancer, par définition, ne doit pas être dépendant d’un seul client. A l’inverse, en tant que spécialiste d’un domaine, il peut être amené à travailler avec plusieurs acteurs d’un microcosme professionnel. Apparaît alors le risque d’un conflit d’intérêts.
En la matière, mieux vaut prévenir que guérir : Avec l’accord de vos clients, avant de vous engager avec un nouveau partenaire, levez le voile sur la liste des concurrents potentiels avec lesquels vous travaillez déjà. C’est un exercice subtil, car pour ne pas être en faute, il ne faut pas trahir le secret des affaires, tout en veillant à la plus grande transparence. Encore une fois, tout se règle par un contrat bien écrit.
7. Mettez en place des réflexes de recouvrement
Le crédit inter-entreprises est un levier important de l’économie. C’est aussi la cause d’une part importante des dépôts de bilan. Aussi, mieux vaut qu’il soit choisi que subi.
Il est essentiel de prévoir à l’avance vos modalités de facturation et de règlement : acceptation du devis, acomptes, factures de situations, échelonnement des paiements. Si tout est clair et prévu, vous éviterez les conflits.
Et en cas de retard, ayez un processus de recouvrement strict et suivi : relances, mises en demeure…
Ce petit article en sept points n’a pas vocation à soulever toutes les problématiques rencontrées par les activités de l’autoentrepreneur (notamment), ni à traiter ces points de manière exhaustive. Le mieux est encore de s’adresser à un professionnel du droit.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © tashatuvango - Fotolia.com
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