L'arbitrage, la solution « smart » pour régler les litiges
Auteur : ENGLISH Benjamin
Publié le :
29/06/2020
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L'arbitrage, prévu aux articles 2059 et suivants du Code civil et aux articles 1442 et suivants du Code de procédure civile, est un mode de justice parfaitement encadré.
Si l'on doit le définir, on peut dire que les parties, lorsqu'elles l'ont convenu en amont dans un contrat, ou après la survenance d'un litige, décident de faire appel à un tribunal privé, composé d'arbitres indépendants et spécialisés, pour trancher le litige, la plupart du temps en application des règles de droit, et éventuellement en prenant en considération l'équité. Il en résulte une sentence, qui est une véritable décision tranchant le litige et susceptible d'être exécutée.
Les avantages de ce mode de règlement des litiges sont bien connus et indéniables : rapidité (normalement, l'arbitrage doit être terminé en six mois), qualité et confidentialité de la sentence. On peut se reporter ici à l'excellent article rédigé sur la présente plate-forme par notre confrère Alexis GAUCHER-PIOLA. L'arbitrage se distingue d'autres modes alternatifs de règlement des litiges qui, quant à eux, ne proposent pas de « trancher » le litige, mais de guider les parties dans la recherche de leur solution. On peut se rapporter ici à l'excellent article rédigé par Me. Clarisse RICHARD, également dans les colonnes d'Eurojuris.
Pour autant, l'arbitrage souffre souvent d’une mauvaise publicité, et l'on ne citera ici que la célèbre affaire TAPIE, au demeurant extrêmement complexe et qui n'est probablement pas, de très loin, le meilleur exemple. Mais il est vrai que l'arbitrage demeure surtout utilisé pour des litiges d'affaires portant sur des enjeux très importants, ou des conflits internationaux de droit privé. Un récent reportage d’Arte apporte un éclairage intéressant sur ce système.
Toutefois, il faut rappeler que depuis 2016, une clause d'arbitrage peut tout à fait être valable entre deux parties qui ne sont pas toutes les deux dans une relation professionnelle. En effet, le second alinéa de l'art. 2061 dispose dorénavant : « Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée. » Ainsi, si elle ne peut lui être opposée, a contrario, si le non professionnel accepte le processus, il peut tout à fait se soumettre à l'arbitrage. Ce n'était pas le cas auparavant et ceci ouvre potentiellement le champ de l'arbitrage à un nombre considérable de litiges dont il était exclu.
On peut donc arbitrer pratiquement en toutes matières, sauf celles qui touchent à l'ordre public, à l'état des personnes ou la plupart des contentieux avec l’état. Cette ouverture, voulue par une loi destinée à faciliter l'accès et l'efficacité de la justice répond à un besoin (peut-être encore inconscient), face à un système judiciaire étatique qui lui-même reconnaît disposer de moyens limités, humains et financiers, et qui ne peut donc, de sa propre confession, répondre de manière efficace à toutes les demandes.
Le contexte actuel d’un blocage des juridictions, qui ne sont quasiment pas digitalisées en est une illustration, alors que des solutions en ligne permettent aujourd’hui de digitaliser l’arbitrage, réduisant les distances à parcourir, les délais et facilitant les échanges.
Le champ théorique d'utilisation de l'arbitrage ayant été élargi. Il faut passer maintenant à la pratique. L'arbitrage présente entre autres avantages préalablement cités celui d'une Justice de très grande qualité, « cousue main », consensuelle puisque le calendrier est déterminé avec les parties. Or, c'est faire le pari optimiste de l'intelligence des parties que de croire qu'au-delà du litige qui les oppose, elles peuvent être capables de s'accorder au moins sur un point : Quel que soit le gagnant à la fin, tout le monde a intérêt à ce que le litige soit tranché de manière rapide et pertinente.
Pour autant, il faut lever ce que le domaine industriel appellerait les « points de friction », c’est-à-dire les freins à l’utilisation pratique de l’arbitrage. On en compte principalement deux :
1. Le coût : L'arbitrage coûte cher, selon l'acceptation commune. Pour autant, il faut parfois tordre le cou à certains présupposés. Il ressort notamment des travaux de grande qualité menés par la Commission Arbitrage du Conseil National des Barreaux et dont le compte-rendu a été donné lors des États généraux du droit de l'arbitrage, que certaines institutions ont conscience de devoir pratiquer des prix raisonnables pour les litiges aux enjeux plus modestes. Et si le coût reste évidemment plus élevé qu'en passant par un système public quasiment gratuit, l'avantage de la discrétion, de la rapidité et du consensualisme vaut probablement ce prix.
Pour aller plus loin, les nouvelles technologies permettent également de s'affranchir des contraintes logistiques, organisationnelles et de rapidité, sans pour autant faire d’impasse sur les règles de procédure fondamentales. C'est en tout cas le sens de l'initiative lancée par Eurojuris France avec la solution madecision.com il y a quelques mois.
L'arbitrage en ligne est appelé des vœux :
- des institutions juridiques les plus expertes (voir ici le rapport du Club des juristes),
- des meilleurs prospectivistes du droit (voir ici le lien vers le livre du Professeur Richard SUSSKIND « Online courts, and the future of justice »),
- des pouvoirs publics, après la récente parution du Décret mettant en place une certification des plateformes,
… et il constitue d'ores et déjà une réalité outre-Atlantique. 2. L'autre frein est intellectuel. S'agissant d'une pratique juridique spécifique, avec ses propres règles et sa jurisprudence, il faut que les praticiens du contentieux sortent de leur zone de confort et aient la curiosité de se former aux règles de l'arbitrage pour être eux-mêmes conscients de l'intérêt de ce type de procédures, et ainsi pouvoir parfaitement éclairer leurs clients. A cet égard, un travail d'évangélisation est souhaitable et les audacieux seront récompensés, comme dans beaucoup d’autres domaines.
En conclusion, une confession : Hormis quelques corrections, cet article a été initialement rédigé, en novembre 2019. J’attendais pour le publier. Les circonstances le rendent probablement encore plus actuel aujourd’hui qu’au moment où il a vu le jour.
Cet article n'engage que son auteur.
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