Régate et règles de course à la voile

Droit du sport : Du bon usage des règles de course à la voile

Auteur : ENGLISH Benjamin
Publié le : 16/11/2022 16 novembre nov. 11 2022

Chaque marin chevronné connait cette étape si particulière de la régate, à laquelle il peut être confronté souvent sans réellement y être préparé, qui peut l’amener devant le jury. Mais la décision qui en résultera dépasse parfois le simple enjeu du classement sportif. Les meilleurs experts en la matière peuvent dresser la liste des réflexes essentiels à avoir pour maximiser ses chances d’obtenir une bonne décision face au jury de régate. On renverra le lecteur à cet excellent article accessible ici, récemment paru pour les anglophones dans les colonnes de yachtingworld.com.

Mais la décision du jury sportif, véritable Tribunal arbitral, avec ses règles, sa compétence et sa jurisprudence, résulte d’un débat en droit avec toutes ses composantes.

Cependant, lorsqu’un incident se produit au cours d’une régate, les conséquences peuvent être bien plus importantes qu’une simple sanction sportive ou disciplinaire, et engager la responsabilité civile ou pénale des protagonistes, et en premier lieu des skippeurs des navires.

On peut notamment imaginer que c’est le cas lorsque des assureurs devront intervenir en cas de dommages matériels importants, ou, pire encore, de dommages corporels qui peuvent parfois s’avérer dramatiques. Et l’on ne traitera pas ici des sujets connexes qui peuvent être ceux des dommages causés à l’équipage du navire, vis-à-vis de son armateur ou de son skippeur.

Lorsqu’un procès intervient consécutivement à des faits survenus à l’occasion d’une course à la voile, le panel des règles applicables est divers selon les circonstances.

Lorsque ne s’appliqueront pas spécifiquement les règles de course à la voile (notamment lorsqu’un tiers non participant est impliqué), ce sont les règles internationales et en premier lieu celles du Règlement International pour la Prévention des Abordages en Mer (RIPAM) ou pour le corpus de textes français la Loi du 20 mai 1967, désormais codifiée dans le Code des Transports qui trouveront à s’appliquer. D’ailleurs, les règles de course à la voile en reprennent les principes essentiels. 

Lorsqu’un jury est intervenu, le tribunal, civil ou pénal, n’est pas lié par la décision rendue le cas échéant par l’instance sportive. Néanmoins, la jurisprudence prend en considération la décision rendue en matière d’arbitrage sportif et, même lorsqu’elle se prononce au visa des règles du droit civil, il est incontestable que la décision du jury est un élément déterminant dans l’identification des responsabilités et leur répartition, ce d’autant que les règles de responsabilité en matière maritime diffèrent sensiblement des règles applicables aux terriens (on pense notamment à la question des fautes partagées, ou de la faute de la victime).

Parmi de nombreux exemples, on peut citer une décision rendue par la Cour d’Appel de Poitiers qui évoque de manière très intéressante l’articulation de ces différentes normes et la portée juridique de la décision du jury (Cour d'appel de Poitiers - ch. civile 03 - 22 octobre 2014 - n° 13/00957).

Cependant, la décision rendue par le jury intervient au terme d’une procédure très rapide, rendue à l’issue de la journée de régate, seulement quelques heures après les faits (surtout le dernier jour, lorsqu’il faut sortir un classement général avant la remise des prix) dans un temps qui ne permet pas toujours au marin, surtout lorsqu’il n’est pas conseillé ou averti en matière de débats juridiques, d’analyser les règles et d’élaborer une stratégie de défense efficace.

Et même s’il faut reconnaitre que les jurys formés par les différentes fédérations nationales, à commencer en France par la Fédération française de voile sont expérimentés, nul n’est infaillible.

C’est la raison pour laquelle une procédure d’appel existe (sauf exception), permettant de soumettre les décisions contestées à un Jury national d’appel composé d’arbitres expérimentés qui confirmeront ou non la décision rendue en première instance, mais aux termes d’une procédure normée, essentiellement écrite, et dans un temps plus long permettant probablement plus de nourrir la réflexion, même si les faits établis par le Jury de première instance ne peuvent être contestés.

Le lien suivant permet d’accéder à la page de la Fédération française de voile présentant cette procédure d’appel.

C’est une opportunité qu’il ne faut pas négliger compte tenu des répercussions que pourra avoir la décision rendue en matière sportive, ainsi qu’il a été vu.

Il est conseillé aux coureurs qui souhaitent mettre toutes les chances de leur côté dans le cadre de cette procédure d’appel de fournir une argumentation la plus complète possible et, s’agissant d’un véritable débat en droit, le cas échéant en se faisant conseiller dans la préparation de leur dossier.


Cet article n'engage que son auteur.

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